Septembre

Tout le monde se plaignait de la canicule, comme si le souvenir des trois autres saisons en manteau était tellement loin. On s’était dit qu’on resterait en ville pour profiter des dernières odeurs de l’été, pour finalement réaliser que Montréal nous verrait beaucoup sur les prochaines pages de son calendrier. On s’est donc sacrés dans le trafic du nord avec tous ceux qui avaient eu la même idée en forme de lac que nous. Quatre heures de voiture c’est long, mais quand on est bien accompagné, on n’a pas de problème avec la proximité des pare-chocs autour.

Il y a ceux incapables de juste fixer l’horizon en écoutant le chant d’un huard solitaire qui se cherche une blonde. Je ne joue pas pour cette équipe-là. Les araignées de quai m’ont fait crier comme une princesse soprano, mais n’ont pas gâché le bonheur doux de regarder passer, du haut d’une véranda croche, le temps et nos pieds nus dedans. L’automne était vraiment juste là, au détour de cette journée inévitable qui s’en venait, celle où on sort dans nos habits d’été pour finalement constater qu’il a fini la veille. On le voyait déjà dans le vert pas pareil des arbres, comme tannés de photosynthétiser. En attendant, la plus belle saison des dernières années s’étirait dans septembre comme un sourire qui ne se fatigue pas.

Je me suis traînée toute la semaine suivante à force de m’être trop reposée et de n’avoir pensé à rien d’intelligent pendant trois jours. De retour dans les sous-terrains du métro, pénibles de chaleurs accumulées, j’ai eu de la misère à me repartir. Tout le monde m’énervait et j’énervais tout le monde; on n’en pouvait plus personne de voyager collé sur le voisin qui avait chaud. Je me suis mis dans les écouteurs une musique sur laquelle j’avais dansé cet été, sous un ciel parfaitement étoilé, juste pour me rappeler ces moments où je n’ai plus besoin de ma grosse tête.

La rentrée et toutes ses gimmicks me tapaient, comme si septembre apportait quelque chose de neuf alors qu’au contraire tout sèche, piscines avec, tandis qu’on remballe la saison verte. Le rangement du cabanon et du garage, qu’on nous vend comme des activités premium de saison à grands coups de slogans imagés, une chance que j’étais passée à travers ça il y a des mois au travail parce que seigneur que drette-là, j’aurais pas trouvé de lignes inspirées. Pas que j’en avais trouvé en mars non plus. Parce que je n’ai jamais compris ce qu’on devait restarter en septembre quand on ne va plus à l’école ou qu’on n’a pas de cabanon.

J’avais contre ma jambe le ice pack du lunch de la madame à côté de moi et pour une fois, être accotée contre une grosse sacoche ne m’irritait pas. Le petit bloc bleu équilibrait ma température et me gardait réveillée, tandis que le groupe que je venais de découvrir me tenait en un morceau, par les oreilles. J’avais des envies de faire une Kevin Bacon circa Footloose de moi-même et groover contre la porte du fond du wagon, signe que ça faisait un petit brin que je me tenais dans l’hémisphère qui pense en rond et qu’il fallait que je recommence à me délier les jambes plus régulièrement. J’ai songé à mes espadrilles qui m’attendaient, tristes et seules, avec pour compagnons des petits bas coincés au fond. Mine de rien et malgré moi, j’avais trouvé mon plan de renouveau. La rentrée venait de m’avoir moi aussi.